Fils d’un officier de l’Empire, Victor Ullmann s’engagea à l’âge de 18 ans en tant que volontaire dans l’armée et vécut les horreurs de la guerre sur le front de l’Isonzo.
A son retour, dans un monde bouleversé, entra dans le séminaire de composition de Schönberg qui eut sur lui une influence considérable.
Mais Ullmann ne fit jamais partie de la stricte avant-garde : il fut toujours en quête d’un lien entre la tonalité et l’atonalité.
En 1920, il devint directeur de chœur et répétiteur, puis en 1922 chef d’orchestre, au Nouveau Théâtre Allemand de Prague dont le directeur était alors Alexander von Zemlinsky.
En 1924, les Sept lieder pour orchestre – aujourd’hui disparus – obtinrent un succès critique et public grâce à leur impact lyrique et déclamatoire.
Entre 1927 et 1931, Ullmann fut chef d’opéra à Aussig et engagé en tant que compositeur pour musique de scène et chef à l’opéra de Zurich. C’est au cours de cette période qu’il devint membre de la Société d’Anthroposophie.
Il épousa Anna Winternitz, s’établit à Stuttgart, abandonna son activité de musicien pour se consacrer à l’anthroposophie dans sa “Librairie Novalis”.
En 1933, il dut fuir l’Allemagne avec sa femme et son fils et retourner à Prague où se confirmèrent ses talents de compositeur et de pédagogue : le prix Hertzka lui fut décerné pour sa version orchestrale de ses Variations Schönberg.
En 1935, ce prix lui fut décerné une seconde fois pour son opéra « La Chute de l’Antéchrist » d’après le drame de Steffen, président de la Société d’Anthroposophie.
Sur des poèmes du même Steffen, Ullmann composa en 1937 les Six lieder pour soprano, déjà caractéristiques du langage tonal indéfini qu’il développera dans les œuvres de Theresienstadt.
Après l’invasion, les lois raciales qui sévissaient en Allemagne furent appliquées à Prague, interdisant, entre autres, toute activité artistique aux Juifs. Sans espoir d’exécution, Ullmann poursuivit son travail de composition avec, notamment, les très émouvantes Chansons d’amour de Ricarda Huch.
Le 8 septembre 1942, Ullmann fut interné dans le camp de Theresienstadt, construit pour accueillir une garnison de 5 000 soldats, et où, 60 000 Juifs furent parqués en attendant l’achèvement des camps d’extermination. En dépit des conditions de vie épouvantables, une riche activité culturelle, due à l’internement de nombreux artistes, se développa, progressivement admise par le commandement SS : activités créatrices d’êtres humains confrontés à l’agonie et à la mort. Ullmann fut un des artistes les plus productifs, même si l’on trouve écrit dans son journal intime : “La plus profonde détresse ne peut pas se transformer en musique, aucune parole ne saura l’exprimer.”
Au cours des 26 mois que dura sa détention, il composera, sur du papier de qualité misérable, plus de 20 œuvres dont les sublimes Trois dernières sonates pour piano, 2 symphonies, l’ouverture Don Quixote danse le fandango, l’opéra l’Empereur de l’Atlantique ou le Refus de la Mort, et le mélodrame Le Chant d’Amour et de Mort du Cornette Christoph Rilke.
Il était en train de commencer l’instrumentation de l’œuvre lorsqu’il fut déporté pour Auschwitz avec sa femme et les compositeurs Pavel Haas, Gideon Klein, Hans Krasa. Il mourut gazé le 18 octobre 1944.