Jan MEYEROWITZ

Jan Meyerowitz est né Hans Hermann Meyerowitz à Breslau en Allemagne, (actuellement Wroclaw – Pologne). Sa famille convertie au Christianisme avant sa naissance, lui cache ses origines juives pendant sa jeunesse. Il ne l’apprendra qu’à 18 ans.

Il vient à Berlin en 1927 et étudie la musique avec Walter Gmeindi et Alexander Zemlinsky.
Lorsque le parti nazi assure le contrôle de l’Allemagne en 1933, il se rend à Rome où il étudie la composition notamment avec Respighi et la direction d’orchestre avec Bernardino Molinari . Après le premier concert de sa musique à Rome, le compositeur et critique italien Mario Labroca, observe que ses compositions sont écrites « dans un style chromatique comme celles de Berg, mais présentent toutefois une définition mélodique évidente qui exclut clairement l’atonalité »

Meyerowitz réside en Belgique en 1938, mais lorsque la seconde guerre mondiale éclate avec l’invasion de la Pologne par l’Allemagne en 1939, il se rend dans la sud de la France, où il se lie d’amitié avec des résistants et survit clandestinement. A Marseille, c’est la chanteuse française Marguerite Fricker, avec laquelle il se mariera après la guerre, qui le cache. Interné au Camp des Milles il devra sa libération et son salut au Réseau Varian Fry.
En 1946, il émigre aux Etats-Unis où il devient l’asssistant de B. Goldovsky au Berkshire Music Festival de Taglewood. Plus tard, il rejoint la faculté de musique du Brooklyn College puis enseigne au City College de New York et devient bientôt un compositeur reconnu en Amérique.

Son deuxième opéra The Barrier (1949) sur un livret de Langston Hughes, tiré de la pièce The Mulatto de Hughes traitant des tensions raciales dans le Sud, est créé en 1950 à New York. Il sera repris dans plusieurs opéras italiens dont le San Carlo de Naples dans les années 1970, ainsi qu’au Staatsoper de Darmstadt en 1996.

En 1956, Meyerowitz achève Esther, opéra tiré du Livre d’Esther sur un livret de Hughes avec lequel il travaillera aussi sur la cantate The Five Foolish Virgins et The Story of Ruth pour soprano colorature et piano. Ses autres opéras comprennent : Eastward of Eden sur un livret de Dorothy Gardner ; Bad Boys in School, opéra comique d’après J.Nestroy ; Simoon sur un livret de P.J. Stephens d’après la pièce de Strindberg ; Godfather Dead avec le même librettiste et Winterballade, apparemment son dernier opéra, d’après une pièce de Gerhard Hauptmann.

A côté des opéras, il compose des oeuvres comme Missa Rachel Plorans, Emily Dickinson Cantata, Herodiade d’après Dialogue de Mallarmé, des cantates, des cycles de chants sur des poèmes de e.e.Cummings, Herrick, Keats, Rimbaud, un concerto pour flûte, de courtes pièces orchestrales, de la musique de chambre. A la demande de Cantor David Putterman et de la Synanogue de Park Avenue à New York il écrit Shir hadash I’shabbat (Un nouveau chant pour le Sabbath) qui sera créé en1962.

En général sa musique fut percue à la fois comme post romantique et expressioniste, imprégnée d’une intense émotion, souvent en juxtaposition avec un lyrisme plus délicat. Mais à la fin des années 1960-1970 elle tombe en oubli en Amérique et il rentre en France.
Jan Meyerowitz s’éteint à Colmar en décembre 1998.

Sauvé de son internement en tant que compositeur juif allemand au Camp des Milles par le réseau
Varian Fry, Jan Meyerowitz. compose dès 1949 lors de son exil à New York un opéra sur la ségrégation raciale contemporaine en Georgie. Cet opéra fut créé en 1950 sous le titre The Barrier à New York, puis sous le titre de Il Mulato en 1970 au San Carlo de Naples et en 1996 à l’Opéra de Darmstadt. La création française sera servie par une distribution de chanteurs lyriques sud-africains avec le Kwa Zulu Natal Philharmonic Orchestra (Orchestre Philharmonique de Durban Afrique du Sud) sous la direction de Johan Farjot .

Le Livret
Comme dans les œuvres de Faulkner, on peut dire que The Barrier est la rencontre de la tragédie grecque et du roman policier. Unité de temps (une journée de septembre en 1949), de lieu (le living room d’Albamar Plantation, propriété du Colonel Norwood en Géorgie) et d’action (le parricide accidentel de Robert, fils illégitime du Colonel et son suicide final).
Norwood, veuf sans enfant a vécu une vraie histoire d’amour avec Cora Lewis, sa gouvernante noire, durant une trentaine d’années. Trois enfants sont nés : William, Robert et Cora qui ont suivi une éducation dans le Nord. Robert, 18 ans, portrait de son père, se réclame de cette paternité en refusant les lois de la ségrégation raciale en vigueur en 49. Un conflit éclate entre l’autorité paternelle et la volonté de Robert d’affirmer son ascendance : lors d’une grave dispute où Norwood, menaçant son fils d’un revolver, n’arrive pas à tirer sur lui, Robert étrangle accidentellement son père. La communauté blanche veut lyncher le mulâtre. Il fuit dans les marais, tandis que sa mère au bout de sa tragique histoire, revit en rêve l’amour interdit qui l’unit à Norwood. Robert revient chez son père et se suicide.

La Création
L’opéra de Meyerowitz d’une durée initiale de 2h a été réduit à 1h30 par une condensation dramaturgique et musicale sur les thèmes fondamentaux de l’œuvre, à savoir trois parties enchaînées : Matin (la situation ségrégative en général et pour la descendance Norwood en particulier) – Midi (la révolte du fils contre le père et le passage à l’acte) – Soir (l’amour entre une noire et un blanc en tant que phantasme et sa mise à mort par la réalité).
La mise en espace et en lumière dans la cour historique de la Préfecture de Marseille, visera un cérémonial rapprochant le génocide nazi envers les juifs de la ségrégation des états unis du sud envers les noirs, comme fit Meyerowitz, juif sauvé du Camp des Milles, en composant dès son arrivée à New York non un opéra sur les noirs comme Gershwin mais un opéra sur l’interdit raciste.

En choisissant de jeunes chanteurs noirs en corolaire d’un baryton de renommée internationale, l’Orchestre Philharmonique du Kwa Zulu Natal de Durban dirigé par un jeune chef français (Johan Farjot), nous avons voulu mettre l’accent sur cette création qui transcende les différences. Ainsi le Mulâtre, héros de l’opéra, chanté par un jeune ténor sud-africain sera grimé en blanc en référence à un autre opéra interdit des années 30 Jonny Spielt Auf de Krenek où le héros était un noir, à savoir lors de la création un blanc maquillé en noir.

Si cette célébration lyrique entraine la séparation esthétique scène-public, un facteur dramatique transitera de l’un à l’autre :un récitant chanteur qui dira des poèmes traitant de la condition des noirs en 1949 et qui chantera les negro-spirituals introductifs et conclusifs de l’opéra.
Nous proposons cette partie de transit entre 2013 et 1949, entre création et politique, entre public actuel et public du ghetto (juifs ou nègres) à une tête d’affiche, à savoir un acteur chanteur comme Youssou N’Dour ou Salif Keita.

Par les effets lumière, par les videos et les surtextes, par les déplacements des solistes, par le jeu et la chorégraphie des chanteurs, il s’agit de donner au public non seulement une représentation de l’opéra de Meyerowitz mais une actualisation de l’état de condamné au nom d’une race ou d’une couleur de peau.

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