Les Témoignages
Richard Wagner, Adolf Hitler et le 3ème Reich
La question : « L’œuvre théâtrale et la vie de Richard Wagner ont-ils directement influencé le 3ème Reich ? » est inquiétante.
Bien qu’il existe des correspondances entre, d’un côté, la vision du monde raciste-antisémite dans la vie et l’œuvre théâtrale de Richard Wagner et l’existence, la délirante idéologie des races et la réalisation de la « Solution Finale » de Hitler, on pourrait également citer d’autres influences destructives, telles que l’antisémitisme de l’église chrétienne avec Karl Lueger, Adolf Jörg Lanz, Georg von Schönerer, H. C. Chamberlain. On devrait aussi analyser les années Viennoise – de 1908 jusqu’en 1913 – d’Hitler, son existence ratée de peintre sans talent, issue de la petite-bourgeoise provinciale, sa haine envers les juifs, les libéraux et la Monarchie des Habsbourg.
Mais qu’est-ce qui rendait Wagner aussi fascinant pour Hitler ?
Puisque Hitler était incapable de créer ses propres idées culturelles et artistiques ni de développer son propre concept de l’homme d’état, il a trouvé en Wagner la justification pathologique pour la mise-en-scène de son propre Ego en tant que « Grand Général et Artiste-Architecte de l’Humanité » – dans le contexte général d’une cassure de la civilisation. Sebastian Haffner, déjà en 1939, dénonçait la folie messianique d’Hitler comme « rien d’autre qu’une aigreur de l’amour propre et une imagination corrompue » [[Sebastian Haffner, Germany : Jakell & Hyde, 1939 – Deutschland von innen betrachtet Edition originale anglaise 1940, édition allemande Berlin 1996 p. 29]] et a souligné la théâtralité à la Wagner dans la réalisation des objectifs d’ Hitler, soit :
- imposer et élargir son pouvoir personnel
- se venger de toutes les personnes et toutes les institutions qu’il hait – et il y en a beaucoup
- se servir des scènes des opéras de Wagner et des tableaux à la Makart avec lui-même comme personnage principal [[Sebastian Haffner, Germany : Jakell & Hyde, 1939 – Deutschland von innen betrachtet Edition originale anglaise 1940, édition allemande Berlin 1996 p. 29 ]]
Pourquoi Hitler, un Allemand atypique, imposteur, était-il un admirateur fanatique de Wagner ? Pourquoi et comment a-t-il réussi, de 1923 jusqu’en 1945, comme Führer et Messie du peuple allemand, à créer avec Wagner une hystérie de masses guerrière et une catastrophe pour son pays et le monde entier?
Ce n’est pas par hasard qu’Hitler, avec son comportement théâtral [[On pense au Dictateur de Chaplin]], a trouvé la reconnaissance sociale et l’aide financière auprès des wagnériens allemands – et surtout auprès de la famille Wagner.
D’après Haffner : « La pensée d’Hitler et son concept étaient complètement anticipé par Wagner et ses complices (le cercle de Bayreuth) » [[Voir 1° p. 37]]. Complètement ? Ce n’est vrai qu’en partie, car les Messies de gauche – de Anatoli Lunatcharski jusqu’à Ernst Bloch – étaient conscients de la force de manipulation psychologique de masses exercé par Wagner, ce pourquoi ils modifièrent son image en tant que révolutionnaire de gauche.[[ Paul L. Rose a dénoncé dans son livre Wagner Race and Revolution (New Haven and London 1992) la récupération de Wagner par la gauche .]]
Le 3ème Reich était-il après tout comme un opéra de Wagner mis en scène par Hitler?
Une réponse définitive reste jusqu’à nos jours source de controverses et des spéculations infinies : que répondre face à la dimension insaisissable de la destructive confusion des termes chez Wagner et chez Hitler – tel l’abus du concept de «Rédemption». Divinisation de soi sur les cendres de l’ennemi? Aussi, bien sûr et satiété!
D’autres questions sont aujourd’hui beaucoup plus inquiétantes : quel rôle jouent encore l’art, la politique et la rédemption dans des systèmes totalitaires et quelle importance pourrait avoir en cela Wagner ?
La minorité éduquée en voie de disparition a-t-elle tiré une leçon quelconque du cas Wagner-Hitler ?
AUDE SAPERE de Kant, c’est-à-dire le savoir individuel, « incorrompu » et le courage civil, ont-ils leur part dans les discussions médiatiques sans fin autour du phénomène de la psychologie des masses de Wagner? ou bien se cache-t-on dans le corset du consensus opportuniste et des phrases mensongères comme : « Wagner n’était qu’un artiste et cela n’a rien à voir avec Hitler » – (salutation de l’Allemagne à Israël)?
La divinisation de soi et l’exaltation de l’image de l’ennemi dans le style de Wagner et d’Hitler restent dangereuses vis-à-vis du potentiel de la destruction massive.
Cela fut démontré par l’utilisation de la Chevauchée des Walkyries de Wagner dans « Apocalypse Now » (1979).
Tableaux et sons qui se répètent dans les bombardements durant la fatale guerre d’Irak : la Chevauchée de Walkyries, en tant qu’exaltation musicale de la culture de la mort, chauffe à nouveau le désir de la destruction des militaires de l’Ouest.
Doit-on garder le silence sur l’utilisation des Maitres-Chanteurs de Nuremberg en tant qu’accompagnement des lois raciales de Nuremberg (1935) et pendant les Festivals de guerre (1940 – 1944) en vue de la victoire finale ?
Doit-on aujourd’hui représenter Wagner comme victime, en disant qu’il est seulement universel et qu’il a su pénétré comme personne d’autre dans les abymes humains, en réduisant ad absurdum le contexte historique ?
Qu’est-ce que la scène politique et médiatique va nous présenter, de façon spectaculaire, pour le bicentenaire de la naissance de Richard Wagner ?
Bruno Finzi témoigne de la réhabilitation de l’œuvre de son père Aldo Finzi
« mon père, connu musicien italien juif, fut frappé d’infarctus le jour de son 48eme anniversaire, il mourut en clandestinité dans l’Italia occupée par les nazis par conséquence des émotions, des épouvantes éprouvées : ses derniers mots, chuchotés, furent : faites que ma musique soit jouée.
Cette invocation suprême fut accueillie 65 ans après sa mort grâce à l’activité généreuse des organisations comme celle en France de « Musiques interdites » (l’opéra inachevée « Shylock » et le « Psaume » à Marseille en 2010) et en Allemagne de « Verfemte Musik » soit musique proscrite (musique de chambre à Schwerin. »
A ces organisations ma gratitude infinie.
Bruno Finzi
Bruno Finzi, né le 2 août 1925, avocat à Milan, a consacré sa vie à la réhabilitation de l’oeuvre de son père à travers la Associazione Aldo Finzi Diacronia, Via Correggio 19, Milano.
Jan Meyerowitz Témoignages Marseille 2013
Cette vidéo de 56 minutes, réalisée fin 2013 par Philippe Adrien, après la création au festival Musiques Interdites 2013 de l’opéra «The Barrier », regroupe des interviewes de personnalités marseillaises qui ont connu Meyerowitz : Christine et Alain Vidal Naquet, Michelle Khun-Massot… Gwen Strauss, nièce de Daniel Benedite, collaborateur de Varian Fry qui sauva Meyerowitz de sa détention du Camp des Mille, complète par son témoignage ce documentaire.